L’art de l’éloge—ce qu’on appelle dans le jargon psychologique actuel le renforcement positif – est un art essentiel à tout enseignant et parent....Les ados qui défilent à mon cabinet me répètent souvent: “Mon père fait toute une histoire quand ça ne va pas bien à l’école, mais pour peu que je me tape une bonne note, il fait comme si de rien n'était, comme si c'était normal”. Il serait bon de s’interroger : “à quand remonte mon dernier compliment à mon fils ou ma fille?” —Alan Loy McGinnis
*** Une infirmière m’introduisit dans la chambre de ma grandmère. Allongée sur ce lit d’hôpital, comme elle semblait petite ! Elle avait les yeux fermés. Je me suis assis sans bruit. J’allais entrer au séminaire et je doutais de moi-même. A la désapprobation générale, je venais de renoncer à une bourse qui couvrait la totalité de mes études en médecine. Je désirais très fort connaître l’avis de ma grand-mère, mais l’infirmière m’avait averti qu’elle n’avait plus beaucoup de forces. Au bout d’une demi-heure, grand-mère n’ayant pas bougé, je me mis à lui parler. Soudain, elle se réveilla : “Danny, c’est bien toi?”, me demanda-t-elle. Elle me raconta alors comment, toute sa vie, sa foi l’avait guidée. Au bout de quelques minutes, une grande paix nous enveloppa. Je l’embrassai et, au moment de partir, je l’entendis chuchoter quelques mots. Je me baissai pour écouter. “Je crois en toi”, dit-elle. Grand-mère mourut cette nuit-là, mais au cours de mes vingt ans de carrière comme psychologue chrétien, je me suis souvent remémoré ses paroles. Quatre petits mots peuvent changer toute une vie. —Dan Montgomery *** Une semaine avant sa mort, mon père me prit à part — j’étais alors en dernière année de faculté — pour me montrer des articles de journaux et de magazines qu’il avait rédigés puis cachés dans un petit coffret. Surprise, je lui demandai pourquoi il ne me les avait pas montrés plus tôt. ― Ta mère m’a découragé d’écrire parce que je ne suis pas allé à l’université, alors j’ai écrit en cachette, à son insu. Maman n’avait pas cherché à le décourager, elle n’avait fait qu’énoncer ce qui lui paraissait évident : sans éducation, on ne devrait pas écrire. Mon père ne s’était pas laissé démoraliser par cette attitude, néanmoins il avait « caché sa lumière », selon l’expression de la Bible. Entre autres, m’expliqua-t-il, il avait écrit un article pour la revue Advance, mais qui n’avait jamais été publié. ― Je suppose que là tout de même, j’ai visé un peu trop haut, conclut-il. Je fus profondément touchée qu’il se soit ainsi ouvert à moi de son désir d’écrire, et qu’il m’ait mentionné cet article ! Quelques jours plus tard, subitement, mon père mourait dans une station de métro de Boston. Le jour de son enterrement, paraissait le nouveau numéro d’Advance ― avec l’article de mon père, enfin publié. Je n’aurais jamais eu l’idée d’aller consulter ce magazine si mon père ne m’avait confié son secret. Aujourd’hui, l’article est encadré dans mon bureau, à côté de la photo de mon père, et chaque fois que j’y jette un coup d’oeil, je me demande quel écrivain il aurait pu devenir si seulement quelqu’un avait cru en lui. Nous vivons dans un monde qui tend à nous démoraliser, un monde peuplé de gens qui nous rabaissent. Quelle différence nous pourrions faire en faisant usage de ces simples mots : « J’ai confiance en toi ! » — Florence Littauer
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Extrait de « Monsieur Washington » – Les Brown
Un jour, alors que j’étais en classe de première, je me suis rendu dans une salle de cours pour y attendre l’un de mes amis. Au moment même où j’entrais, je suis tombé sur le professeur, M. Washington, qui me demanda d’aller faire un exercice au tableau. Je lui fis remarquer que cela n’était pas possible. ― Et pourquoi pas ? S’enquit-il. ― Parce que je n’appartiens pas à votre classe. ― Ce n’est pas grave. Allez-y quand même. ― Je… je ne peux pas, fis-je. ― Et pour quelle bonne raison ? reprit-il. Je marquai une pause, embarrassé. ― C’est que… je fais partie de la classe des… « retardés ». Il quitta son bureau et me regarda droit dans les yeux : ― Ne répétez jamais une chose pareille ! N’acceptez jamais comme un fait établi l’opinion que quelqu’un se fait de vous. Je ressentis à cet instant une grande libération. D’un côté, j’étais humilié parce que les élèves se moquaient de moi ; ils savaient que je suivais le cours spécial. Mais de l’autre, j’étais libéré, car cette remarque m’avait ouvert les yeux : je réalisai soudain que rien ne m’obligeait à accepter le jugement qu’on portait sur moi. Et c’est ainsi que M. Washington devint mon mentor. À cette époque, j’avais déjà essuyé deux échecs scolaires. Dès la septième, on m’avait placé dans le « cours spécial » avant de me remettre en huitième. Et puis en quatrième, à nouveau, j’avais dû redoubler. C’est dire combien ce M. Washington transforma mon existence. Je dis souvent qu’il opérait dans la ligne de Goethe, lequel écrivait : « Considère l’homme tel qu’il est, et il ne fera qu’empirer. Mais considère-le comme étant ce qu’il pourrait être, et alors il deviendra ce qu’il devrait être. » M. Washington était persuadé qu’il faut viser haut et se montrer exigeant. Cet homme faisait sentir à ses étudiants qu’il attendait beaucoup de leur part, et nous nous efforcions ― tous les étudiants sans exception ― de répondre à son attente. Un jour, alors que j’étais encore en première, j’entendis son discours de fin d’année à ses élèves de terminale qui venaient de réussir leurs examens. Il leur disait, entre autres choses : ― Vous avez en vous quelque chose de grand, quelque chose d’unique. N’y aurait-il qu’un seul parmi vous capable d’entrevoir ce qu’il est vraiment, ce qu’il doit apporter à cette planète et ce qu’il a de spécial, le monde et l’histoire en seraient à tout jamais changés. Vous pouvez faire la fierté de vos parents, de votre école, de votre communauté. Vous pouvez influencer la vie de millions de gens. » Il s’adressait aux élèves de terminale, mais on aurait dit que c’était à moi qu’il parlait. Je me rappelle que tout le monde se leva pour lui faire une ovation enthousiaste. Après quoi, je le rattrapai sur le parking pour l’interpeller : ― M. Washington, vous vous souvenez de moi ? J’étais dans l’auditorium quand vous parliez aux terminales. ― Qu’est-ce que vous faisiez là ? Vous n’êtes qu’en première. ― Je sais bien. Mais j’ai entendu votre voix à travers les portes. Ce discours, c’était pour moi, monsieur. Vous leur avez dit qu’ils avaient en eux quelque chose de grand, d’unique. Mais j’étais là, moi aussi. Y a-t-il en moi quelque chose de grand, monsieur ? ― Oui, M. Brown, me répondit-il. ― Mais alors, pourquoi est-ce que j’ai échoué en anglais, en maths et en histoire, et que je vais devoir suivre des cours d’été ? Qu’est-ce que vous dites de tout ça, monsieur ? Je suis plus lent que les autres. Je ne suis pas aussi brillant que mon frère, ou que ma sœur qui va entrer à l’Université de Miami. ― Peu importe. Il vous suffira de travailler plus dur. Ce ne sont pas les diplômes qui décident de ce que vous êtes, ni de ce que vous accomplirez dans votre vie. ― Je veux acheter une maison à ma mère. ― C’est possible, M. Brown. Vous pouvez y arriver. Sur ce, il se remit à marcher. ― M. Washington ? ― Qu’est-ce que vous voulez encore ? ― Euh… c’est de moi que vous parliez, monsieur. Rappelez-vous de moi, de mon nom. Un de ces jours vous l’entendrez. Je vous rendrai fier, monsieur. L’école était pour moi un véritable calvaire. On me faisait passer en classe supérieure parce qu’après tout, je n’étais pas un mauvais élément. J’étais un bon garçon. J’étais drôle, je faisais rire mon monde. J’étais poli, j’étais respectueux. Alors les profs me laissaient passer, ce qui n’était pas à mon avantage. Mais M. Washington, lui, se montra exigeant à mon égard. Il me mit en face de mes responsabilités et sut me convaincre que j’étais capable d’y arriver. Il devint mon professeur en terminale. Normalement, les élèves des « classes spéciales » ne sont pas admis aux cours d’expression orale et d’art dramatique, mais le principal m’avait accordé une dérogation. En effet, comme j’avais commencé à faire de réels progrès, il réalisait que M. Washington avait sur moi une grande influence et qu’il existait une sorte de lien entre nous. Pour la première fois de ma vie, j’avais figuré au palmarès. En plus, grâce à ces bonnes notes, je pus réaliser mon rêve, qui était de participer à un voyage d’études avec la classe d’art dramatique. Pour moi, c’était un pur miracle. Je me construisis une toute nouvelle image de moi-même. M. Washington me fit dépasser la vision étriquée que j’avais de ma personne en me libérant de mes limites mentales et des circonstances. Des années plus tard, je produisis cinq émissions spéciales pour la télévision. Lorsque mon émission « You deserve » passa sur la chaîne éducative à Miami, je demandai à des amis de lui téléphoner. J’étais à Détroit, assis auprès du téléphone en attendant son coup de fil, lorsqu’il m’appela. ― Puis-je parler à M. Brown, s’il vous plait ? fit-il. ― Qui est à l’appareil ? ― Vous le savez bien, répondit-il. ― Oh, M. Washington, c’est vous. ― C’était bien vous dont je parlais, n’est-ce pas ? ― Oui, monsieur, c’était bien moi. Un jour, j’observais des petits enfants jouer au football. Ils n'avaient que cinq ou six ans. Pourtant, ils jouaient un vrai jeu, tout à fait sérieux : avec deux équipes, entraîneurs, maillots et tout le reste. Les parents même étaient au rendez-vous. Ne connaissant personne, je pouvais prendre plaisir à observer le jeu sans m'inquiéter des résultats. J’aurais souhaité que les parents et les entraîneurs puissent en faire autant. Les équipes étaient assez bien équilibrées. Je les appellerai équipes A et B. Durant la première mi-temps, aucun but ne fut marqué. Les enfants s'amusaient comme des fous. Ils étaient maladroits mais, comme c’est le propre des enfants, avec tant de naturel et de ferveur ! Ils s'emmêlaient les jambes, trébuchaient, rataient le ballon, mais tout cela n'avait aucune importance : ils s'amusaient ! À la deuxième mi-temps, l'entraîneur de l'équipe A retira du jeu ses meilleurs éléments afin de donner une chance aux débutants, à l'exception de son joueur numéro un qu'il plaça comme gardien de but. Le jeu prit alors une tournure dramatique. J'imagine que gagner est important même quand on a cinq ans, car l'entraîneur de l'équipe B laissa en place ses meilleurs joueurs, face auxquels les débutants de l’équipe A n’étaient pas de taille. L'équipe B se pressait autour du gardien de but. Pour un petit gars de cinq ans, il se défendait très bien, mais il ne faisait pas le poids devant trois ou quatre autres de son niveau. L'équipe B se mit donc à marquer des points. Le petit gardien, isolé, se donna à fond, plongeant sur les balles avec bravoure, éperdument, pour tenter de les arrêter. L'équipe B ne tarda pas à marquer deux buts successifs. Le jeune garçon en était exaspéré. Comme un fou enragé, il criait, courait, et plongeait. Rassemblant toute son énergie, il parvint finalement à marquer l’un des garçons qui s'approchait du but. C'est alors que celui-ci fit une passe à l’un de ses coéquipiers à quelques mètres de là, et, avant que notre jeune gardien n’ait pu se repositionner : trop tard ! un troisième but avait été marqué. Je ne tardais pas à repérer ses parents : c'était des gens bien, qui faisaient bonne impression. Je notai que son père était venu directement de son travail, en costume, cravate etc. Les deux parents criaient des encouragements à leur fils. J'étais captivé, observant le garçon sur le terrain et ses parents sur la touche. Après le troisième but, un changement s’opéra chez le bambin. Il se rendit compte que c’était peine perdue : il n'arriverait pas à les arrêter. Il n'abandonnait pas pour autant mais, sans trop le montrer, il se laissait envahir par le désespoir. Un sentiment d’impuissance se lisait sur son visage. L’attitude de son père changea également. Jusque-là, il avait incité son fils à se battre en lui criant conseils et encouragements. Mais à présent il était angoissé. Il essaya de lui dire que tout irait bien, qu’il fallait s'accrocher… Mais on pouvait voir qu’il ressentait profondément la douleur de son gamin. Après le quatrième but, je pressentis ce qui allait se passer. C’était comme un déjà-vu. Le jeune garçon était désespéré, mais il n’y avait personne pour l’aider. Il retira le ballon du filet et le remit à l'arbitre, puis il se mit à pleurer. Il était là, debout, et de grosses larmes lui coulaient sur les joues. Il se laissa tomber sur ses genoux. Et c'est alors que je vis son père se diriger vers le terrain. Sa femme le retenait par le poignet : — Jean, non ! Tu vas l'embarrasser, suppliait-elle. Mais le père du garçon se dégagea et courut sur le terrain. Il n’en avait pas le droit car le jeu n'était pas terminé. Mais il fonça quand même, en costume, cravate, chaussures de ville… Il prit son fils dans les bras afin que tout le monde sache que c’était bien son fils. Il l'étreignit, l'embrassa et pleura avec lui ! Je n'ai jamais été aussi fier d'un homme de toute ma vie. Il le porta hors du terrain, et, lorsqu'ils parvinrent près de la touche, je l'entendis lui dire : — Je suis fier de toi, mon garçon. Tu as été formidable. Je veux que tout le monde sache que tu es mon fils. — Papa, sanglota le garçon, je n'arrivais pas à les arrêter. J'ai essayé, Papa, je n'ai pas arrêté d’essayer mais ils m’ont mis tous ces buts ! — Anthony, ne t’en inquiète pas. Tu es mon fils et je suis fier de toi. Je veux que tu retournes dans tes buts et que tu finisses le jeu. Je sais que tu as envie d'abandonner, mais tu ne peux pas. Et, mon garçon, ils vont encore te marquer des buts, mais ça ne fait rien. Vas-y, c’est le moment. Quelque chose avait changé — je pouvais le voir. Quand on est tout seul contre tous et, qu’en dépit de nos efforts on se fait battre, il est rassurant de savoir que, pour ceux qui nous aiment, cela n’a pas d’importance ! Le petit gars regagna sa place en courant. L'équipe B marqua encore deux buts, mais c’était sans importance. — Auteur anonyme A.A. Au début des années 80, j’avais huit ans, j’étais une petite fille maigrichonne et asthmatique, et je vivais en Inde avec mes parents. Une de leurs amies de longue date, qui était venue nous rendre visite, m’apprit qu’elle s’était occupée de moi lorsque j’étais nouveau-née. Dès le premier abord, je me sentis en confiance avec elle. Tandis qu’elle et mes parents se remémoraient le bon vieux temps, je m’agenouillai derrière elle et, sans rien dire, j’entrepris de tresser ses beaux cheveux châtains. Comme c’était la première fois que je me livrais à cet exercice, la tresse n’était pas très bien faite, plutôt mal serrée et asymétrique. À la fin, je lui demandai si elle aimait mon travail. Elle tâta l’arrière de sa chevelure et s’exclama : ― C’est magnifique ! Et tellement plus confortable avec cette chaleur ! Merci beaucoup pour ta gentillesse. Et c’est ainsi qu’une petite fille de huit ans, qui se sentait très maladroite, vit grandir sa confiance en elle et apprit combien il est gratifiant de témoigner aux autres de petites marques de sympathie. Un an plus tard, toujours en Inde, lors d’une excursion, nous gravîmes les mille marches qui menaient au sommet d’une petite « montagne ». Je dus me reposer maintes fois, à cause de mon asthme, mais l’effort en valait la peine. Arrivés au sommet, nous explorâmes un vieux musée fascinant. Cet ancien palais nous fit découvrir le faste dans lequel vivaient les rois indiens d’autrefois, leurs quartiers richement meublés et soigneusement préservés, ainsi que des jardins à la végétation luxuriante parfaitement entretenus. Le lendemain, notre maîtresse d’école nous demanda de faire une rédaction sur notre excursion. Je m’employai à relater minutieusement chaque événement de la journée, notre ascension, les singes rencontrés le long du chemin qui avaient dévoré des cacahuètes dans le creux de nos mains, l’immense statue d’un guerrier qui montait la garde à l’entrée du palais et chaque détail du palais lui-même. J’étais assez contente de moi. Ma maîtresse aussi, d’ailleurs. Mais elle me fit remarquer avec tact et gentillesse qu’il était préférable de ne pas commencer chaque phrase avec des « puis » ou des « alors ». Elle me suggéra d’autres possibilités, que je trouvai pertinentes. Cette forme de collaboration et de critique constructive était nouvelle pour moi. Je peux dire que l’encouragement et l’aide que je reçus ce jour-là furent à l’origine d’une vocation d’écrivain et de correcteur de texte qui, depuis lors, m’a apporté beaucoup de satisfaction. Voyez-vous, que vous soyez parent, professeur, ou simplement “de passage”, il ne faut jamais sous-estimer l’influence que vous avez sur les enfants de votre entourage. Parfois, il suffit d’un sourire d’approbation ou d’un petit mot d’encouragement pour transformer la vie d’un enfant, et l’amour que vous aurez ainsi donné vous reviendra à coup sûr ! Peu de gens réalisent que le monde de demain sera ce que les adultes en font aujourd’hui, selon ce qu’ils choisissent de donner ou de ne pas donner à la génération qui monte. ― D. B. Berg © Activé. Utilisé avec permission.
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February 2024
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