par Akio Matsuoka « Toute ma vie, j’ai été tellement occupée que je n’ai jamais eu le temps de réfléchir! », m’a confié une femme malade en phase terminale, âgée d’une quarantaine d’années, lorsque je lui ai rendu visite à l’hôpital. « En me retrouvant ici, je me suis rendue compte que je connaissais à peine mon mari, mes enfants ou même ma belle-mère qui vit avec nous. Je passais mes journées à m’occuper d’eux—à faire les courses, préparer leurs repas, faire leur lessive, ranger derrière eux, les aider à faire leurs devoirs—et pourtant, je ne peux pas dire que je sais à quoi ils pensent ou ce qui les préoccupe. Je serais bien incapable de vous dire quand j’ai eu une conversation profonde avec l’un d’eux, pour la dernière fois. » J’ai entendu quelqu’un exprimer des regrets similaires récemment, lors d’un séminaire auquel je participais. L’orateur principal venait de terminer son intervention, puis il a donné la parole à l’auditoire pour une période informelle de questions et réponses. Un homme d’un certain âge, retraité d’une grande société dont il avait été le PDG, prit la parole pour s’adresser à la centaine de personnes présentes : « J’ai 70 ans, je suis en excellente santé, et je touche une pension de retraite plus que confortable. J’attendais depuis longtemps le jour où je pourrais enfin me reposer et me consacrer à ma famille ; mais pas plus tard qu’hier, j’ai appris que ma femme demandait le divorce. Toute ma vie, j’ai travaillé dur pour ma famille, pour ceux que j’aimais. Où est-ce que je me suis trompé ? Comment ai-je pu faire fausse route à ce point? » Les gens me disent souvent que tout ce qu’ils veulent c’est que les personnes qui leur sont chères soient heureuses, et que c’est pour cette raison qu’ils doivent travailler autant. Hélas, plus ils réussissent dans leur profession, plus ils sont occupés et moins ils consacrent de temps à leur famille—et moins ils récoltent les bénéfices qu’ils espéraient gagner de leur investissement. Au départ, les motifs de la femme mourante et du retraité leur paraissaient sans doute nobles, mais leurs priorités les ont empêchés de répondre aux besoins profonds de leurs bien-aimés. La Bible nous dit: « N’oubliez pas de faire le bien et de vous entraider fraternellement, car ce sont de tels sacrifices qui plaisent à Dieu. » Le mot grec traduit par « entraider » est koinónia, qui signifie « participation », « communion » ou encore « solidarité. » Autrement dit, nous devrions sacrifions certaines choses pour consacrer du temps aux autres, pour les aider, pour partager leur vie, s’intéresser à leurs victoires et à leurs difficultés, et communiquer à cœur ouvert avec eux—bref, prenions le temps d’aimer. © 2012 Aurora AG. Traduit de l’original anglais « What Matters Most », in Activated October 2012, par Bruno et Françoise Corticelli
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Peggy Porter
Mon fils Gilbert, alors âgé de huit ans, était louveteau depuis peu. À la fin d’une réunion, il s’était vu remettre un morceau de bois, quatre roues et une feuille d’instructions. Le tout devait être « confié à papa » dès son retour à la maison. Pour Gilbert la chose était difficile, car papa n’était pas très enclin à bricoler avec son fils. Malgré tout, il tenta sa chance. Papa lut la notice et se contenta d’en rire. Confectionner une voiture de course avec son gamin à partir d’un morceau de bois ? L’idée était par trop cocasse ! Les semaines passèrent, on oublia le morceau de bois. Pour finir, maman (moi-même) décidait de venir en aide à son garçon : elle y comprendrait peut-être quelque chose... Nous nous attelâmes au projet. N’étant pas très douée pour la menuiserie, je me bornais à lire les instructions tandis que Gilbert les exécutait. Et il fit de son mieux. Quelques jours plus tard, son morceau de bois s’était transformé en voiture de course. Elle était un peu bancale, certes, mais elle était splendide ― aux yeux de maman tout au moins. Gilbert, qui n’avait pas encore vu les voitures de ses camarades, se sentait assez fier de sa « formule 1 », et surtout d’avoir réalisé quelque chose par lui-même. Puis le soir tant attendu arriva. Voiture en mains, fierté au cœur, Gilbert se rendit avec moi sur les lieux du départ. C’est alors que cette fierté fit place à la plus profonde des humiliations. De toute évidence, sa voiture était la seule à avoir été construite sans l’aide d’un adulte. Toutes les autres, manifestement, étaient le fruit d’un partenariat père-fils, comme en témoignaient leurs lignes élégantes et leurs magnifiques décorations de peinture. Certains garçons étouffèrent quelques ricanements à la vue du pauvre véhicule de Gilbert, branlant, instable et sans attraits. Pour ajouter à l’humiliation, Gilbert était le seul garçon qui ne fût pas accompagné d’un homme. Deux de ses camarades n’avaient pas de papa, mais l’un avait invité son oncle, l’autre son grand père. Gilbert n’avait que sa maman. Pour la course, on procéda par élimination. Deux voitures s’élançaient, la gagnante de ce premier duel concourait avec la suivante et ainsi de suite. La voiture de Gilbert parvint en finale et se retrouva opposée au plus élégant, au plus rapide, au plus racé de tous ces « bolides ». Au moment même où allait être donné le signal du départ, mon gamin de huit ans demanda timidement, les yeux écarquillés, qu’on suspende la course pendant une minute, afin de lui donner le temps de prier. La compétition fut donc suspendue. Gilbert se laissa tomber sur les genoux en serrant dans ses mains son étrange morceau de bois. Les sourcils froncés, il conversait avec Dieu. Pendant une minute et demie, il pria avec une grande ferveur. Puis il se releva le visage illuminé d’un sourire, et annonça : « Ça y est, je suis prêt ! » Sous les applaudissements de la foule, un garçon nommé Tommy, au côté de son papa, regardait leur voiture dévaler la rampe. Gilbert, lui aussi, au côté de Son Papa — Son Papa du Ciel — regardait son morceau de bois s’élancer tant bien que mal. Mais ce dernier finit par atteindre une vitesse surprenante et franchit la ligne d’arrivée une fraction de seconde avant la voiture de Tommy. Gilbert sauta en l’air en criant : « Merci ! » tandis que de la foule s’élevait un tonnerre d’applaudissements. Le chef scout s’approcha de Gilbert, le micro à la main, pour lui poser la question que tout le monde attendait : ― Alors, Gilbert, tu as prié pour gagner, n’est-ce pas ? ― Oh non monsieur, répondit-il, ça n’aurait pas été juste de demander à Dieu de m’aider à battre quelqu’un. Je Lui ai demandé de m’aider à ne pas pleurer au cas où je perdrais. Oui, Gilbert avait bien gagné ce soir-là, avec son Papa à ses côtés. Par Angela Koltes
Par une morne et grise journée d’hiver, je m’apprêtais, avec quelques amis, à passer l’après-midi dans une école pour enfants non-voyants située près de chez nous. C’était un de ces dimanches ordinaires où j’étais morte de fatigue après une semaine très occupée, et je n’avais qu’une envie : rester dans mon lit douillet et passer la journée à paresser à la maison. Je ne tenais aucunement à sortir ; après tout, tout le monde allait s’offrir une journée de repos, histoire de se relaxer et de se distraire un peu. Mais comme nous avions promis de passer dans cette école pour apporter un peu de joie aux enfants qui restaient seuls en ce dimanche après-midi, nous n’avions pas le choix, nous devions tenir parole. Le week-end, la plupart des familles venaient prendre leurs enfants non-voyants qui étaient en pension à l’école pendant la semaine. Il y avait donc relativement peu d’enfants ce dimanche-là, mais à voir la joie qui éclairait leur visage, ils étaient tous enchantés de notre visite. Nous n’avions rien prévu de particulier, mais nous avions amené une guitare, des maracas et un bongo dans l’espoir d’apporter un peu de bonheur à ces enfants dans leur monde apparemment pauvre en couleurs. Les enfants se pressaient autour de nous pour écouter la musique, nous demander d’où nous venions et essayer de comprendre à quoi nous ressemblions. Certains d’entre eux avaient leurs propres instruments, car la plupart sont doués pour la musique. Ils nous ont donc accompagnés, très heureux de nous montrer ce qu’ils savaient faire. Au milieu de tout ce brouhaha, j’ai remarqué une petite fille aux cheveux courts, l’air timide, qui était assise un peu à l’écart des autres enfants. Je me demandais qui pouvaient bien être ses parents et pourquoi ils n’étaient pas venus rendre visite à une aussi jolie petite fille. Je ressentais de la colère en me demandant comment cette enfant pouvait mériter d’être privée de la vue et vivre toute sa vie avec un handicap. Tandis que je l’observais, je fus frappée par le magnifique sourire qui éclairait son visage. « Comment cette petite fille peut-elle être aussi heureuse alors qu’elle est aveugle ? » me suis-je demandé. La maîtresse, qui avait suivi mon regard, me raconta son histoire. Seda, qui était âgée de sept ans, avait subi une opération au cerveau deux ans auparavant. — Je voyais les arbres, les oiseaux, le visage du docteur et tout le reste, ajouta Seda qui avait écouté sa maîtresse, mais quand je me suis réveillée de l’opération, je ne voyais plus rien. J’ai eu l’impression qu’une grosse pierre était tombée du ciel et m’avait frappée en plein cœur ! J’ai continué à regarder la petite fille en silence. — Mais je suis super heureuse ! s’est-elle exclamée, en riant de bon cœur. — Et pourquoi es-tu heureuse, Seda ? a demandé sa maîtresse. — Eh ben, parce que même si je ne vois plus dans cette vie, quand j’irai au Ciel, je verrai à nouveau ; et j’attends ce jour-là avec impatience ! Je n’ai pas pu contenir mes larmes et je savais, en jetant un coup d’œil à la ronde, que mes amis ressentaient la même émotion. Seda est restée avec moi toute l’après-midi. Elle m’a pris la main et m’a fait visiter l’école. Elle s’est assise sur mes genoux et m’a parlé de tous ses aliments préférés, des fruits et des légumes qu’elle aimait manger, en m’expliquant pourquoi. Elle prenait un tel plaisir aux goûts et aux sons qui s’offraient à elle qu’elle paraissait avoir oublié qu’elle avait perdu la vue. Quand je suis rentrée à la maison ce soir-là, le visage de Seda était resté imprimé dans mon esprit. Que pouvait voir cette petite fille dans son monde de ténèbres pour la rendre si heureuse ? Par la suite, chaque fois que j’avais une journée particulièrement difficile dans mon travail et que j’étais tendue à cause d’un problème passager, je repensais à Seda : je savais que je n’avais pas le droit de me plaindre. Parfois, nous devons traverser des moments particulièrement pénibles qui nous paraissent insupportables, où nous n’avons pas la moindre lueur d’espoir. C’est un combat de tous les jours, et nous détestons ce que nous voyons autour de nous. Pourtant, je sais que si j’arrive à réagir comme ce petit ange qui a perdu la vue et que je tourne mon regard vers le Ciel comme elle le fait, je peux louer Dieu pour chaque jour qu’il m’est donné de vivre ici-bas. Chaque fois que je suis tentée de maudire les ténèbres et de pester contre ce que je vois autour de moi, le sourire radieux de cette petite fille me revient en mémoire. Je repense à sa foi et aux yeux qui lui ont été donnés pour percevoir la glorieuse lumière de demain, et je me dis que si elle peut être heureuse, je peux sûrement l’être, moi aussi. |
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